"Triangle de Weimar" des ministres des Affaires étrangères [pl]

Communiqué conjoint
des Ministres des Affaires étrangères du Triangle de Weimar
Laurent Fabius (France),
Frank-Walter Steinmeier (Allemagne),
et Grzegorz Schetyna (Pologne)

Wrocław, 3 avril 2015



Les Ministres des Affaires étrangères du Triangle de Weimar - M. Laurent Fabius, France, M. Frank Walter Steinmeier, Allemagne, et M. Grzegorz Schetyna, Pologne, se sont rencontrés aujourd’hui (3 avril 2015) à Wroclaw (Pologne). Depuis sa création en 1991, ce forum est au cœur de la coopération stratégique entre la France, l’Allemagne et la Pologne. Le lieu de la rencontre est symbolique. Wroclaw était en ruines il y a 70 ans. Aujourd’hui, cette cité si durement éprouvée par l’histoire est une métropole européenne dynamique, multiculturelle et ouverte ; elle est aussi Capitale européenne de la culture 2016. Elle est le symbole vivant des réalisations polonaises dans l’Union européenne et l’incarnation de l’Europe.

Les Ministres se sont réunis immédiatement à l’issue des négociations de Lausanne. Ils ont reconnu l’importance de l’accord sur la définition de paramètres clés portant sur le futur Plan d’action global commun qui devra être finalisé d’ici le 30 juin. Le Triangle de Weimar appuie sans réserve un accord qui devra être solide et vérifiable.

Durant leur réunion à Wroclaw, les Ministres ont discuté des défis auxquels l’Europe est confrontée, en particulier dans son voisinage oriental et méridional. Ils ont souligné la contribution du Triangle de Weimar au renforcement de l’efficacité d’une politique étrangère et de sécurité commune cohérente, insistant sur la nécessité de garantir l’unité de tous les Etats membres et l’utilisation efficace de tous les instruments de l’UE disponibles afin de protéger les intérêts de l’Union, stabiliser la situation aux frontières de l’UE et façonner l’ordre international fondé sur les principes du droit international.

Les Ministres ont discuté de la situation en Ukraine et du rôle de la Russie dans le conflit. Ils ont noté avec inquiétude la détérioration de la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine ainsi que les violations persistantes des droits de l’homme par des forces soutenues par la Russie, notamment des droits des minorités ethniques de la péninsule de Crimée. La France, l’Allemagne et la Pologne ne reconnaissent pas l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie et continuent à condamner cet acte de violation du droit international qui constitue également une menace directe pour la sécurité internationale. Les trois pays soutiennent sans réserve la politique active de non-reconnaissance de l’UE à cet égard. Ces actions de la Fédération de Russie compromettent la stabilité et la confiance dans notre région.

Les Ministres ont insisté sur la nécessité de trouver une solution durable au conflit dans l’est de l’Ukraine par des moyens pacifiques, en respectant l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ils appellent toutes les Parties à mettre en œuvre rapidement et intégralement les Accords de Minsk de septembre 2014 et février 2015, soutenus par la Déclaration quadrilatérale des Chefs d’Etat ou de gouvernement de France et d’Allemagne et approuvés par la Résolution 2202 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 17 février 2015 qui constitue une étape vers un règlement politique et pacifique durable de la crise, fondé sur le respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale. Les Ministres ont souligné la responsabilité de la Russie à cet égard.

Dans le même temps, les Ministres ont convenu que toutes les parties doivent respecter complètement le cessez-le-feu et fournir à la mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) les informations nécessaires ainsi qu’un accès intégral*, sans escorte et sans restrictions lui permettant d’observer et de vérifier effectivement le cessez-le-feu et le retrait des armes lourdes. La France, l’Allemagne et la Pologne appellent toutes les Parties à soutenir pleinement les efforts du Groupe de contact trilatéral de l’OSCE, notamment en mettant en place des groupes de travail, afin de faire progresser le processus politique convenu dans le paquet de mesures signé à Minsk.

Les Ministres continueront à appuyer tous les efforts diplomatiques visant à mettre en œuvre rapidement les Accords de Minsk, notamment les efforts de la France et de l’Allemagne dans le cadre du format "Normandie". La France, l’Allemagne et la Pologne sont prêtes à soutenir le processus, notamment en ce qui concerne la capacité de l’OSCE à observer et vérifier la mise en œuvre des Accords de Minsk.

Les Ministres ont rappelé que la durée des mesures restrictives dépend clairement de la mise en œuvre intégrale des Accords de Minsk et du calendrier convenu dans ceux-ci, comme indiqué dans les conclusions du Conseil européen du 20 mars 2015, sachant qu’elle doit avoir lieu avant le 31 décembre 2015. Les Ministres ont souligné que l’UE est prête à prendre d’autres mesures si nécessaire.

Les trois pays s’engagent à soutenir les réformes ukrainiennes et à appuyer les changements qui ont lieu maintenant en Ukraine. Les Ministres se sont déclarés prêts à apporter leur soutien à la mise en oeuvre des réformes servant à la stabilisation et à la modernisation du pays.

Les Ministres ont salué les premières mesures importantes prises par le gouvernement ukrainien en matière de réformes. Ils ont appelé l’Ukraine à intensifier davantage encore ses travaux sur toutes les réformes urgentes, en particulier en ce qui concerne la promotion de l’Etat de droit et la lutte contre la corruption, et leur mise en œuvre intégrale pour répondre aux aspirations de la population à une Ukraine démocratique et modernisée. Conformément à la conditionnalité du Fonds monétaire international, la France, l’Allemagne et la Pologne agiront en étroite coordination avec le Groupe d’appui pour l’Ukraine de la Commission européenne, le Conseil de l’Europe, l’OSCE, dans le cadre du groupe de Visegrad et avec d’autres bailleurs de fonds. Cela inclut une possible affectation d’autres ressources émanant de l’assistance macro-financière de l’UE, si cela est jugé nécessaire.

Les trois Ministres ont réaffirmé qu’ils soutenaient complètement l’engagement de la Commission européenne dans les pourparlers trilatéraux entre l’UE, l’Ukraine et la Russie sur les questions énergétiques et sur l’application des accords de libre-échange approfondis et complets qui ont également été approuvés dans la Déclaration quadrilatérale en appui au paquet de mesures pour la mise en œuvre des Accords de Minsk du 12 février 2015.

De plus, accueillant avec satisfaction la réunion trilatérale entre l’UE, l’Ukraine et la Russie du 20 mars 2015, les Ministres ont appuyé sans réserve les efforts de médiation en cours de la Commission européenne et se félicitent du nouveau paquet gaz qui a été conclu. Ils ont également invité instamment la Commission européenne à accélérer la mission conjointe avec l’administration américaine afin d’actualiser un plan d’urgence en matière énergétique pour l’Ukraine et ont souligné que cela devait aller de pair avec des réformes rapides du secteur de l’énergie en Ukraine conformément à l’acquis communautaire dans le cadre de la Communauté de l’énergie.

La France, l’Allemagne et la Pologne sont également préoccupées par le récent retrait de la Russie du Groupe consultatif conjoint qui vient s’ajouter à la suspension il y a peu de l’application du Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE). C’est là un autre signal préoccupant adressé par Moscou qui ne contribue pas à restaurer la confiance sur notre continent, mais qui affaiblit davantage encore l’architecture de sécurité en Europe.

Rappelant leur Déclaration du 1er avril 2014, les Ministres ont insisté sur le fait que la France, l’Allemagne et la Pologne continueraient à œuvrer ensemble à une réforme ambitieuse de la Politique européenne de voisinage (PEV) pour en accentuer le caractère politique et accroître sa réactivité aux différents défis qui se posent dans le voisinage méridional et oriental. Une approche adaptée aux voisins de l’UE devrait prendre en compte leurs besoins, l’engagement à mener à bien les réformes, mais aussi l’environnement géopolitique et les intérêts de l’UE. La France, l’Allemagne et la Pologne reconnaissent la nécessité d’utiliser plus largement les instruments de la PEV afin de renforcer la stabilité et la sécurité du voisinage de l’UE. A cet effet, en accord avec l’approche globale, les outils de la PESC/PSDC devraient être utilisés dans le cadre de la Politique européenne de voisinage. Les partenaires de la PEV ne devraient jamais être tenus de choisir entre l’UE et d’autres voisins. Les Ministres ont insisté sur la nécessité de rendre les mécanismes de soutien de l’UE plus souples et mieux adaptés à une situation changeante sur le terrain.

Le prochain Sommet du Partenariat oriental à Riga (21-22 mai 2015) devrait réaffirmer la grande importance que nous attachons au Partenariat oriental ainsi que la détermination de l’UE à renforcer, de manière différenciée, les relations avec chacun de ses six partenaires. Les ministres ont souligné que le Partenariat oriental visait à instaurer une aire commune de démocratie, de prospérité, de stabilité et de coopération accrue partagées et n’était dirigé contre personne.

Les ministres ont souligné que le Partenariat oriental continuait à fonctionner en tant que cadre inclusif d’engagement, de coopération et de réformes au niveau multilatéral. Il conviendrait de déployer des efforts particuliers pour faire progresser la coopération en matière de construction de l’Etat, de mobilité et de contact entre les peuples, d’opportunités de marché et d’interconnexions. La France, l’Allemagne et la Pologne soulignent que la mise en œuvre des AA/DCFTA (Accords d’association / Accords de libre-échange approfondis et complets), accompagnés des réformes internes nécessaires, représentera une priorité absolue de l’UE et de ses partenaires pour les années à venir car ils constituent les outils principaux permettant de mener à bien la modernisation en profondeur des économies et des sociétés des pays partenaires que réclament leurs citoyens. Les ministres attendent avec intérêt la mise en œuvre provisoire du DCFTA avec l’Ukraine le 1er janvier 2016 et soulignent qu’il importe de reprendre rapidement les pourparlers trilatéraux Ukraine-Russie-UE sur le DCFTA. Le soutien renforcé de l’UE et la détermination des partenaires seront cruciaux pour le succès des réformes. Les ministres ont réaffirmé la volonté de la Pologne, de la France et de l’Allemagne d’apporter leur soutien à ces processus de réforme, conditionné toutefois à l’adoption de mesures de réforme concrètes.

Les ministres ont insisté sur le fait que le Sommet du Partenariat oriental devait adopter une vision globale de l’ensemble du Partenariat oriental. Leur conviction commune est que le point de vue selon lequel le Sommet de Riga devrait contribuer à renforcer le Partenariat oriental. L’offre de l’Union européenne doit répondre aux besoins, aux ambitions et aux capacités de tous les membres du Partenariat oriental et tenir compte des intérêts propres de l’UE. Le principe de différenciation exige des solutions inclusives taillées sur mesure. Il sera donc possible d’utiliser au maximum le potentiel de coopération tout en conditionnant le soutien de l’Europe à la mise en œuvre des réformes internes nécessaires, dans l’esprit du principe du « donnant donnant ». Dans le droit fil du principe de différenciation, l’UE doit développer en direction de l‘Arménie, de l’Azerbaïdjan et, en temps voulu, de Belarus, de nouvelles offres qui tiendront compte des intérêts tant de l’UE que de ces pays, sans mettre en question nos propres valeurs et principes.

Les ministres ont réaffirmé que le Sommet du Partenariat oriental devait aussi se focaliser sur une plus grande mobilité des citoyens dans un environnement bien géré et offrant toute sécurité. Cela permettra des déplacements plus aisés et plus fréquents, des contacts commerciaux et interpersonnels.

Les ministres attendent avec intérêt que l’Ukraine et la Géorgie concluent la mise en œuvre de la 2ème phase de leurs Plans d’action de libéralisation des visas, une fois que toutes les réformes requises auront été menées à bien et que tous les critères auront été satisfaits. Ils ont également espéré que de nouvelles étapes pourront être franchies dans les négociations avec le Belarus en ce qui concerne les Accords de réadmission et de simplification des procédures d’attribution des visas. Ils ont salué les progrès réalisés jusqu’à présent dans la mise en œuvre des Accords de réadmission et de simplification des procédures d’attribution des visas avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Le Triangle de Weimar insiste sur le fait qu’il attache une importance égale aux pays voisins méridionaux. Il souligne la nécessité, dans l’optique de la révision en cours de la PEV, de rendre cette politique plus efficace, plus réactive, plus flexible, comme il est acté dans la déclaration de Weimar sur la PEV adoptée en avril 2014.

Les ministres suivent avec beaucoup d’inquiétudes la situation en Syrie et en Libye. La France, l’Allemagne et le Pologne saluent l’adoption, par le Conseil des Affaires étrangères du 16 mars 2015, de la stratégie régionale de l’UE pour la Syrie et l’Irak et pour la menace que représente le Daesh, qui doit être mise en œuvre rapidement. Les ministres ont également reconnu qu’une série complète de mesures devait être adoptée et mise en œuvre tant par l’UE que par d’autres organisations et mécanismes internationaux afin de lutter efficacement contre la menace terroriste croissante provenant d’organisations djihadistes actives au Moyen Orient et en Afrique du Nord, notamment de Daesh et de groupes affiliés à Al-Qaïda.

Le récent attentat terroriste qui a eu lieu le 18 mars 2015 en Tunisie confirme le caractère transfrontalier et imminent de la menace terroriste dans la région d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient ainsi qu’en Europe.

L’UE, tenant compte des difficultés socio-économiques de la Tunisie, a récemment adopté un Plan d’action dans le cadre du partenariat privilégié de la Tunisie avec l’UE. La coopération entre l’UE et la Tunisie devrait être significativement renforcée afin de mieux aider la Tunisie à répondre aux défis auxquels elle est confrontée, notamment dans le secteur de la sécurité. L’UE doit activer les programmes de réforme en cours dans le secteur de la sécurité, spécialement en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et la gestion de la sécurité aux frontières. L’UE devrait aussi accélérer les versements déjà programmés, avant tout l’aide macrofinancière et, le cas échéant et si les conditions pertinentes sont remplies, recourir à des mesures de paiement anticipé.

Les ministres ont souligné que le processus démocratique en Tunisie constituait un signal important pour toute la région Moyen-Orient – Afrique du Nord. Ils ont exprimé leur satisfaction quant à la conduite des récentes élections parlementaires et présidentielles en Tunisie et se sont félicités de leurs résultats. Elles ont représenté la première étape vers une transformation démocratique réussie de l’Etat.

Les ministres attendent avec intérêt la réunion ministérielle informelle, qui va se tenir à Barcelone (13 avril 2015), consacrée à la dimension méridionale de la PEV, et sont déterminés à contribuer activement à la discussion sur les moyens permettant de renforcer l’efficacité de la politique européenne de voisinage de l’EU à l’égard des partenaires méditerranéens. Ils accorderont une attention spéciale aux contributions des partenaires méridionaux dans ce cadre et réaffirmeront la nécessité de renforcer l’appropriation des politiques par ces pays afin que nous puissions mieux adapter nos offres à leurs besoins et priorités et fixer des objectifs réalistes et accessibles à l’engagement de l’UE. Ils ont rappelé qu’il importait de développer encore l’intégration et la coopération régionales et ont souligné le rôle central de l’Union pour la Méditerranée à cet égard.

Les ministres ont insisté sur leur détermination à œuvrer pour que des décisions significatives soient prises par le Conseil européen de juin 2015 afin de continuer à développer la politique de sécurité et de défense commune en tant qu’élément essentiel de la réponse globale de l’UE aux défis sécuritaires. A cet effet, ils sont convenus d’idées communes à présenter à la Haute-Représentante, Mme Federica Mogherini, sous la forme d’une lettre conjointe visant à favoriser le processus de préparation du Conseil européen. Cette lettre avait été signée précédemment par les ministres de la Défense du Triangle de Weimar à Potsdam, le 30 mars 2015.

Les ministres sont convenus du fait que le Sommet de l’OTAN à Varsovie devrait montrer que les décisions prises à Newport en septembre 2014 sont mises en œuvre en tant que réponse aux défis sécuritaires et aux changements intervenus dans l’environnement de sécurité aux frontières de l’OTAN et au-delà. Il devrait également contribuer à l’adaptation stratégique à long terme de l’Alliance au nouvel environnement sécuritaire.

Dans l’optique de la Conférence de Paris de 2015 sur le Climat, les ministres ont salué la présentation de la contribution de l’UE à l’accord global telle que prévue et déterminée au niveau national. Ils ont noté qu’il s’agissait là d’un important signal politique favorisant la conclusion, à Paris, d’un ambitieux accord universel et juridiquement contraignant applicable à toutes les Parties. Ils ont aussi demandé instamment à tous les autres Etats en position de le faire, notamment aux grandes économies, de communiquer suffisamment en amont du Sommet de Paris leurs contributions prévues déterminées au niveau national, de manière à favoriser la transparence et la clarté. Les contributions devraient être équivalentes, dans toute la mesure du possible, à l’objectif 2030 de l’UE.

Dernière modification : 10/04/2015

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