L’écologie inscrite dans l’âme polonaise [pl]

En 1979 le pape Jean-Paul II accorda le patronage de saint François d’Assise aux écologistes. Cette décision d’un pape qui joua un si grand rôle géopolitique trouve sa résonance historique aujourd’hui puisque son successeur choisit de s’appeler François et écrit une encyclique rappelant aux Chrétiens que la nature est confiée aux humains pour qu’ils en prennent soin, non donnée pour qu’ils la pillent. Ainsi les plus hautes autorités religieuses soulignent la dimension morale de la protection de la nature, quelle que soit la façon dont on voit celle-ci, création divine, aboutissement de millions d’années d’évolution, écrin dans lequel s’épanouissent les êtres vivants, dont les plus petits et les plus grands, les plantes, les arbres, nos frères les animaux auxquels parlait saint François. Ces plantes et ces animaux qui, à l’instar des humains, ont entrepris de migrer pour s’adapter au changement du climat. Sait-on qu’ils s’écartent de l’équateur à une vitesse de 10cm par heure ?

Oui, c’est d’abord au nom des valeurs qui confortent les sociétés humaines que l’on ne gaspille pas les ressources de la nature, qu’on ne jette pas ses déchets n’importe où, qu’on éteint la lumière en sortant, que l’environnement est bien tenu, comme on le dit des enfants bien éduqués, propres et polis. Malheureusement les humains l’ont oublié depuis peu, ivres de consommation, salissant le monde, creusant, brûlant, coupant, polluant, oubliant les leçons de leurs parents qui respectaient davantage la nature et connaissaient les vertus de la sobriété. Que restera-t-il de notre nature, celle que nous avons aimée lorsque nous étions enfants, nos paysages, nos forêts, les écrevisses dans nos ruisseaux, les hirondelles nichant sous nos toits, notre patrimoine, le génie du lieu, unique à Cracovie ou Sopot, un élément de notre identité, de notre histoire.

Je pense aux comités écologistes qui ont aidé Solidarnosc lorsque la Pologne s’est libérée de l’Union soviétique. Nous avions tous les yeux fixés sur Gdansk. Nous étions Polonais de cœur. A l’époque, ministre en France, j’étais à Varsovie pour lancer un programme sur la Vistule. Manifestement l’écologie est enracinée dans l’âme polonaise, comme une chaîne traversant les siècles et résistant à toutes les occupations. Et je me souviens d’avoir plaidé la cause de l’adhésion de la Pologne à l’union européenne devant les écologistes polonais qui s’inquiétaient qu’un marché commun réduise la protection de l’environnement. Mais c’est exactement l’inverse. C’est grâce à l’Union que les Etats européens mènent des politiques écologiques vigoureuses. Et c’est l’Europe qui est à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique, ayant courageusement mis en œuvre les deux périodes d’engagement du protocole de Kyoto. Courageusement en effet parce que d’autres continents n’ont pas fait le même effort et nous avons tous pense que c’était injuste.

Mais voici le moment de remettre les choses à plat. La prochaine conférence des parties à la convention climat, la COP21, doit négocier le successeur du protocole de Kyoto. Pour la première fois les Etats ont mis sur la table leurs programmes d’action pour les vingt prochaines années. Les Etats-Unis et la Chine ont rendue publique une déclaration commune. La frontière entre pays en développement et pays développés se brouille, les premiers émettent désormais plus de gaz à effet de serre que les seconds. Chacun admet qu’il doit s’engager. Il n’est pas jusqu’au Canada qui n’annonce un retournement de sa politique climatique. C’est donc l’occasion d’un accord universel conforme à l’équité, celle que la Pologne recherche comme nous tous. Au demeurant d’extraordinaires innovations s’annoncent. Dans le domaine de l’énergie comme dans la chimie du carbone. Peut-être bientôt n’y aura plus besoin de l’extraire du sous-sol.

Hâtons-nous car une nouvelle menace se profile, le géoengineering. L’orgueil des hommes est sans limites. Des scientifiques suggèrent de répandre de la poussière dans la stratosphère, des aérosols qui reflèteraient un peu de la lumière du soleil et qui refroidiraient la surface de la Terre comme l’ont fait les grandes éruptions volcaniques. Facile et pas cher disent-ils. Ils ont même le soutien de riches mécènes qui souhaitent s’improviser en sauveurs de l’humanité. Mais on ne sait pas quelles seraient les conséquences d’opérations de ce genre. Peut-être ne pleuvrait-il plus sur la Pologne pendant de longues années, peut-être ne verrait-on plus le soleil que voilé. Malheureusement nulle autorité ne règlemente l’atmosphère terrestre. C’est pourquoi un accord mondial pour réduire les émissions de gaz à effet de serre est indispensable. Soyons sages, évitons que nos descendants souffrent de notre négligence. C’est le moment d’agir.

Brice Lalonde

Dernière modification : 08/08/2016

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